Tuesday, December 11, 2007

La meute

Il y a de ces chiens dont les crocs ne se brisent jamais. C’est le cas de la meute. Élevée à la rage, nourrie au sein de la douleur, sevrée à l’espoir. On trouve ces animaux sous les chairs de chaque homme. En tout cas, la curée cuve sa haine sous ma peau. Parce que les chiens sont lâchés. Je les vois galoper au loin. Les babines retroussées, luisantes de bave, cherchant un jarret à se mettre sous la dent, de la moelle à sucer. Je ne contrôle pas ces animaux-là, ce sont eux qui m’ont mis la laisse autour du cou pour que je lève la jambe en caniche bien poli. Je ne veux pas faire d’esclandre, je me contente de mes os à ronger dans mon coin, bien gentiment. Mais la meute, il lui faut de la viande, de la bidoche, quelque chose qui la nourrisse vraiment quoi. Elle est affamée, allez donc savoir pourquoi, comme si ces nourritures de l’esprit ne lui remplissaient pas suffisamment le ventre. Ils ont décidé d’en finir avec ce régime qui ne leur laisse que la peau sur les os, l’œil apathique et la mine saturnienne. Ce que veut la meute, c’est la grande dépression, de la liesse pour festin, de l’amour pour désert. La fin du monde pour praline et pourquoi pas mon aorte à la fin du repas. Alors, je les laisse faire tandis que déjà je ne les vois plus mes petits démons, à mesure qu’ils disparaissent derrière l’horizon et qu’ils se glissent dans vos vies, puisant dans vos rêves pour nourrir mes songes. Car la meute n’est pas avare, elle me ramène toujours un morceau de choix. Moi, moi je le mange bien sagement, le dos droit, mes deux mains sur la table, la serviette sur mes genoux, levant le bras pour boire et tenant ma fourchette de la main droite et mon couteau de la gauche. Et quand je digère, le cul plombé de bonheur et la larme à l’œil, je pense à vous. Parce qu’un jour viendra. 

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