Monday, December 10, 2007

Ecrire


Noir c’est la couleur de la chambre. Noir comme la gueule de l’enfer. On lui avait dit maintenant montre de quoi tu es capable. Alors il s’était enfermé, enferré dans une camisole dont il avait lui-même noué les cheveux avec ses lacets. On lui avait dit tu causes mais tu fais rien. Alors il a arrêté de causer, arrêté de pointer le bout de son groin dehors et s’est tapi comme une bête blessée au fond de sa tanière. Maintenant, il doit écrire. Et ça le prend à la gorge, parce qu’écrire ça fait mal. C’est douloureux de se contorsionner et de faire le guignol. Il a les foies, ça le fait flipper et peut-être même qu’au fond de lui-même il déteste faire ce qu’il fait. Mais il a pas le choix. Avec ou sans jaja faut bien dégobiller quelque chose. C’est pour ça qu’il a largué la vie, cette vieille pute à la mamelle aride, d’un coup de becquée dans le derrière.  C’est pour ça que maintenant il est seul, aussi seul que la solitude peut être. Et faut écrire maintenant. Ça vient pas comme ça écrire. On l’a ou on l’a pas. Lui, il croit l’avoir, mais il est sûr de rien. Mais écrire c’est ça aussi. C’est voir le monde à travers ses os. C’est se prendre le dehors cul sec au petit matin, quand on loupiotte pas bien droit et qu’on a la goutte au nez. Alors, faut écrire maintenant. Voilà ce qu’il se dit et ça le turlupine sévère. Lui, il se voit pas écrivain et c’est pour ça qu’il faut qu’il le soit. Personne lui a jamais dit mon gars t’es de la trempe d’un colosse alors écris. Personne lui a jamais dit on est là pour toi, on croit en toi. Non. Il doit bouffer des morceaux de jours avariés tout seul comme un grand sans buvard pour éponger quand la vie elle coule dans la soupiotte. Il a la digestion mauvaise, c’est peut-être bien pour ça qu’il en dort plus la nuit. Il en sait rien, il a jamais tiré des plans sur la comète. L’introspection c’est pas son truc, il a assez de vivre sans devoir y réfléchir en plus. Il regarde le papier blanc et il en a la tête qui chavire, parce que là-dedans vaut mieux pas y mettre les pieds, surtout les jours de haine. Parce que la haine, il s’y est jamais saoulé comme qui dirait, elle lui colle juste comme de la poisse et il voudrait bien s’en débarrasser mais c’est trop tard maintenant. Avant, peut-être oui, il dit pas. Mais maintenant, non. Mais la haine n’est qu’un rejeton enfanté par la solitude. Il s’est fait contaminer malgré ses belles paroles. Et maintenant, maintenant vous savez, il doit écrire. Mais écrire ça se fait pas comme ça. On se dit pas maintenant j’écris. Non, faut se faire tabasser avant, la gueule écrabouillée sur un coin de table, parce qu’au fond des poches y’a pas de quoi payer la note de la vie. En rade, il a jamais voulu l’être, mais faut pas se leurrer il est un traîne-petit, qui récure le fond de sa gamelle pour assembler de morceaux de personnages un peu crédible. Et quand faut passer à la caisse, il se donne en pâture. Écrire c’est ça pour lui. C’est vivre beaucoup, mourir un peu. Ça l’enchante pas plus que ça. Mais on lui a dit maintenant montre de quoi tu es capable. C’est dur d’entendre ça, parce qu’il aurait voulu recevoir la confiance avant de donner la preuve. Mais c’est comme ça aujourd’hui. Faut prouver à tue-tête. Lui, il a rien à prouver. Il est innocent. Les coupables ce sont les autres. Pourtant, sur l’échafaud de l’écriture c’est bien sa gueule en lame de couteau qu’on retrouve, souriant, toujours, malgré le couperet. Alors, il écrit et c’est pas joli-joli, c’est pas du Narcisse qui boit la tasse à force de s’être trop regardé la mèche dans le marc. Mais, voilà. Il doit écrire. Ça lui soulève le cœur. Et quand il repose son stylo, il fait le décompte de la poussière. Parce qu’il a l’ardoise chargée et qu’il honore ses dettes avec le seul tribut qu’il possède encore, son encre. Et de la poussière, y’en a plein la page. Et elle a un nom, elle s’appelle lui. C’est sa jumelle, l’X de son Y, sa gémelle silencieuse. Il a l’inceste facile, il le pratique depuis des années. Ça le rend pas plus sale pour autant. Il n’est que crasse au royaume de crasseux et c’est pour ça qu’il écrit. Pas pour se laver, juste pour se salir davantage. Le dernier cri, c’est lui qui le poussera. Mais avant de crier, faut écrire. 

1 Comment:

Anonymous said...

i must say wow when i l lread it full

s