Thursday, October 25, 2007

De la lumière du nord

La lumière du Nord est belle. Pour les nordistes, elle est blanche, pour les autres, elle est blafarde. Peut-être est-elle un peu pâle, comme convalescente d’une récente indisposition ou d’un cataplasme dont on l’aurait saigné à blanc. Néanmoins, la menue chose ne manque point de charme, lorsque ses longs cils brumeux battent au coin de ses yeux gris. C’est toute une élégie que cette lumière, dont les pas se dérobent comme des baisers sur les flaques de pluie. Elle ne rougit guère que l’été, et encore, lorsque ses joues daignent à se colorer d’un éclat carmin échappé de la palette du soleil. Le reste du temps, sa pâleur n’a d’égal que sa pudeur, dont les plis vaporeux de sa robe ne laissent qu’envisager toute la teneur. De batiste ou de nankin, sa toilette se conjugue au gré des saisons, déclinant toute une gamme de brodequins dont les nuances se perdent à l’unisson. La chère petite se lève tard et se couche tôt, ne faisant qu’une très courte apparition depuis le haut de l’horizon, nous saluant nous autres, d’un sourire ou d’un regard. Parfois, sa main se lève et alors nous nous arrêtons. Sa bouche s’entrouvre, l’on devine ses dents et la pointe de sa langue, et l’on cultive alors l’espoir de l’entendre parler. Mais sa main retombe, ses lèvres se referment, emportant dans leurs commissures un mot que nous n’entendrons jamais. Là voilà qui se retourne, toute parée de taffetas sombre, car les souliers de son amant claquent sur le parquet. Tout comme Shéhérazade, la lumière du Nord doit alors chanter quelques louanges afin de repousser le funeste présage qui menace son cou. Car la nuit, ce mélancolique amant, ne peut affranchir la lumière du nord de son courroux. Alors, elle s’allonge à ses pieds, son corps si frêle étendue sur un tapis d’étoiles, tandis que la nuit se verse une coupe d’ambroisie. Et la voici cantatrice ma belle petite lumière, entamant un lied dont la dernière octave lui arrache un sanglot. La nuit s’est endormie, hantant le royaume des songes de ses rêves les plus pieux. Alors, la lumière du nord, si douce, si grave et si triste à la fois, remercie le ciel son père, ce géniteur aux mamelles bâtardes et asséchées, d’une supplique aux consonances muettes. Puis, ses boucles blondes dont les paysans aiment à caresser la pointe du bout de leurs ombres, s’affaissent. Sa jolie tête orpheline repose sur son épaule dénudée et ses paupières se ferment. De là où elle passe chacune de ses nuits, la lumière du nord ne cesse pourtant de briller. Et la nuit ne cesse de pleurer jusqu’à ce que l’aurore la congédie le temps d’une journée.

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