Thursday, January 04, 2007

Quinze Questions au Plus Grand Ecrivain de tous les Temps



GENERIQUE

- Compagnons de la haute définition attention ! Amants cathodiques bonsoir gaiement et sus à l'esthétique ! Un tour d’horizon pour commencer si vous le voulez bien ? Vous le voulez bien ?
- Oui !!!!
- Alors on inverse le signal ! Prêts en régie ? 3, 2, 1… A vous chez vous ! Qu’avons-nous là ? Bonsoir Madame, vous êtes en direct sur Canal 7 et votre poulet me semble succulent ! A vos zappettes, on change ! Un roi sur son trône, heureusement que nous ne captons que l’image, bonsoir à vous Monseigneur, vous êtes en direct depuis votre salle de bain devant nos téléspectateurs ! Il est beau joueur, regardez-moi ce sourire ! Crispé mais heureux ! C'est du bonheur ! A vos zappettes ! Et c’est une passion vivace qui s’ébat sous nos yeux, quelle grâce, quelle volupté, c’est charnel, c’est sensuel, c’est démentiel et ça me glace d’un frisson qui… je n’en dirais pas plus mes petits cochons ! Merci à la régie, merci à Canal 7 qui fait de vous téléspectateurs les héros aléatoires de quelques secondes éternelles ! Si toi aussi tu veux pouvoir te voir sur ton écran, inscris toi vite et peut-être la chance te sourira t’elle ! Gloire à toi ô Télévision, que Ton Règne vienne et que le Grand Soir survienne! Sans transition je reçois ce soir celui qui se surnomme le « plus grand écrivain de tous les temps ». Bonsoir à vous Monsieur.
- Bonsoir.
- Un mot d’introduction léger et concis si vous le voulez bien, pourquoi pensez vous être le plus écrivain de tous les temps ?
- Parce que c’est vrai.
- Cela ne vous paraît-il pas très légèrement pompeux ?
- Il n’y a que ma trompe qui pompe.
- Ah. Bien, bien. J’ai dans la main, voilà bonjour à la caméra de mes dix doigts, votre livre, je dirais même votre pavé, 700 pages quand même (et qui lit encore 700 pages de nos jours), sobrement intitulé "Manuel de Mise à Mort pour Monde Joyeux". C’est gai comme perspective, vous ne trouvez pas ?
- Ne me le reprochez pas. C’est aussi gai qu’un rouleau de papier hygiénique qui se déroulerait à perte de vue sur des milliers de kilomètres. Le monde ne serait plus que cellulose poreuse balbutiant entre deux écueils de merde et un étron insubmersible. Belle image hein ?
- Absolument dégoûtante.
- Mais formidablement vraie. Je cite, pour une fois pas moi-même : « le monde vrai, une idée qui ne sert plus à rien, qui n'engage même plus à rien - une idée inutile, superflue, par conséquent une idée réfutée : abolissons-la. ». C’est de Nietzsche.
- Ah oui, bien sur. Mais revenons à nos moutons si vous le voulez bien. Et attendez un peu avant de m’abolir tout ça voulez-vous.
- Je suis bouddhiste.
- Et alors ?
- Alors ne touchez pas à ma vache.
- Bien sur, je comprends. Hum… bien. Je m’interroge sur votre méthode de travail, comment vous y prenez-vous ?
- Ah . Figurez vous que je me lève tous les matins à 4 heures et après une séance de gymnastique d’une demi-heure environ et un bon petit-déjeuner riche en fer, je m’attelle à la tâche. Cinq heures minimum par jour. Entrecoupé de pauses de 10 minutes où je fais une série de 20 à 30 abdominaux et de 30 à 40 pompes. Immanquablement.
- C’est impressionnant. Pourtant lorsque l’on vous voit comme ça enfin ne le prenez pas mal hein surtout, mais vous n’avez pas vraiment le physique de l’emploi. Ne vous vexez pas, on est à la télévision vous savez, en direct, on peut tout dire. Et si cela ne vous fait rien, ne citez plus Nietzsche s’il vous plait. On est en heure de grande écoute vous le savez très bien.
- Bien sûr. On ne m’y reprendra plus. Je sais ce que vous vous dites puisque vous venez de le dire. Comment ce que cet homme vient de dire peut-être vrai puisqu’il pèse probablement, et vous n’auriez pas tort dans vos estimations, plus de 100 kilos et que les boutons de sa chemise menacent de péter sous la pression de ses chairs prisonnières ? C’est que la soie n’a jamais retenu la peau. Pour répondre à votre question, en quelques mots, je vous ai menti. Alors je vous en fous plein les mirettes car visiblement vous êtes athlétique et faites trop de sport, bien que le teint de votre peau sous le maquillage me murmure que vous avez un goût prononcé pour la boisson fruitée et non calorique. J’érige donc un modèle grec, santé-sport-culture si vous voulez. En réalité j’écris sur du papier hygiénique entre deux crises de diarrhée parce que l’alcool me fait chier. Le plus dur est bien sûr de conserver ces notes précieuses lorsque le papier vient à manquer.
- C’est un leitmotiv chez vous le papier toilette ?
- En tout cas ça me motive. Et « vouloir libère ». Alors je pousse.
- C’était du Nietzsche ? Je vous ai dis que vous ne pouvez vous en réclamez à cette heure nom d’une TV !
- Mille excuse bonhomme.
- Je vous demande pardon ?
- Je vous fais mes excuses, humblement.
- Avez-vous remarqué que je suis une femme ?
- « Derrière chaque talon se cache l’étalon ». C’est de moi. Je peux me citer non ?
- Non.
- Ah.
- Mais c’est beau.
- Je sais.
- Vous pensez vraiment être génial ?
- Oui.
- Le plus grand ?
- Oui.
- De tous les temps ?
- Oh oui.
- Pourquoi ?
- Vous avez lu mon bouquin ?
- Les deux premières pages et le quatrième de couverture.
- Alors vous savez.
- À vrai dire je ne sais pas.
- Je parle à vos trompes de Fallope.
- Je vous en prie ! Vous pourriez me choquer, vous savez ?
- Je suis circoncis depuis l’âge de trois ans. Et je me porte au poil. J’écris pour mon cul, le vôtre accessoirement bien que cela ne me soit nullement nécessaire, et je parle à votre anatomie. Le processus est donc simple, j’éviterais de rentrer dans le détail, de peur de faire péter l’audimat.
- Vous savez vous n’êtes qu’un écrivain et sans vouloir être trop dure envers vous bien sûr, un écrivain ne fait pas brûler l’audimat.
- Même si je fais rimer Fallope avec salope ?
- Pardon ?
- Tu m’as très bien comprise sale garce. Je suis le plus grand écrivain de tous les temps parce que je sais exactement ce que tu penses et comment tu le penses. Tu es une denrée périssable qui nourrit à peine son homme. Sous le bas résille je vois une peau halée, je dis alerte. Et surtout je dis arrête. Je suis toi mais aussi cette dame qui se bouffe son poulet devant son écran et dont le rêve vient d’être exaucé, oui elle est passée à la TV, en direct. Elle s’est vu dans la petite boîte magique avec ses bigoudis sur ses cheveux gras, son peignoir rapiécé et un bout de sein tout mou qui en dépassait pareil à un pis de vache. Je suis aussi cet homme qui se vide les boyaux, bien obligé de sourire à l’écran qu’il a fait installer au-dessus de la baignoire, face aux toilettes. C’est du sourire hygiénique, du sourire digéré et comestible. Par contre je ne suis pas ce couple enlacé. Je ne connais pas l’étreinte passionnée, l’élan de la chair. Moi je suis gros et laid. J’ai des problèmes gastriques. Je suis un laxatif indolore et incolore. Pourtant je suis devant vous, là sur l’autel de Dieu Notre Ecran, et je le loue trois fois. Je lui ai offert en sacrifice hier une durite et un fusible. Je suis donc un bon croyant. Et je vais te le faire fondre ton audimat, je crois que tu le sais très bien. Parce que je suis enceinte de vous tous. Je vous sens remuer dans mon bide et j’en pioche un parfois que je viole de toute la force de ma plume avant de le coucher sur papier, apaisé et heureux.
- Je… je vous trouve grossier.
- C’est pourquoi je suis le plus grand.
- Vous n’avez rien d’un écrivain. Vous êtes difforme et obèse.
- C’est pourquoi je suis le plus grand.
- Vous n’êtes que vulgarité.
- C’est pourquoi je suis le plus grand.
- On vous achète, mais on ne vous lit pas.
- Je suis mort symboliquement.
- On vous voit, mais on ne vous écoute pas.
- Je suis mort visuellement.
- On vous cite, mais on ne vous connaît pas.
- Je suis mort socialement.
- Vous irez pourrir en Enfer avec toute votre littérature impie et hérétique. Sortez de ce plateau.
- Ne me lisez pas.
- Ne vous en faites pas.
- Ne m’écoutez pas.
- Personne ne le fait.
- Ne me voyez pas.
- Vous êtes trop insignifiant pour ça.
- Je suis mort trois fois.
- La quatrième sera la bonne !
- Et vous savez.
- Qu’est ce que je suis censé savoir ?
- 30 millions de spectateurs. Adieu.

GENERIQUE

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