Thursday, January 04, 2007

Rais Krispies (Reprise de Pina Colada pour un Rais Déchu)



- Tu m’étales ça bien hein Cindy. Tu me travailles bien les lombaires. Voilà, doucement. Et appuie un peu plus sur les cervicales tout en pressant bien le long du rachis. Oh que c’est bon… Tu n’oublieras pas de voter pour moi hein ? Tu tapes un pour ma mise à mort.
- Bien Monsieur H., répondit la brave Cindy.

Car Cindy était fort belle. Grande, blonde, plantureuse, aux seins fermes et rebondis, les lèvres arrondies et légèrement gonflées, les ongles manucurés et longs, les dents blanches et la fesse pleine. En un mot, Cindy était laide. Mais elle plaisait énormément à M. H qui ne se lassait jamais de ses services. Il trempait tel un pacha dans son bain de boue, cigare aux lèvres tandis que les mains de sa masseuse faisaient des miracles sous les bulles limoneuses. C’est à ce moment-là qu’arriva ce brave Maître Nicolas, à son service depuis deux ans.

- Monsieur H., c’est bientôt l’heure, dit-il de sa voix gutturale.
- Ah, très bien, très bien. J’arrive. Servez-moi quelque chose de léger et de fruité. Un petit jus par exemple.
- Oui Monsieur.
- Et dites-moi Maître Nicolas, nous reste t’il de cet excellent sorbet au chocolat ?
- Bien sûr Monsieur.
- Vous m’en mettrez deux boules. Cindy s’occupe déjà de mon cornet la brave petite.

Et Monsieur H. de se fendre d’un éclat de rire magistral. Maître Nicolas avait déjà regagné sa cuisine qu’il briquait deux fois par jour, une fois le matin et une fois le soir, et pochait deux belles boules qu’il plaça dans une coupelle d’argent. Puis, il arrosa le tout d’un filet de champagne, car Monsieur H. ne buvait que cela.

- Mon bon Nicolas êtes-vous prêt ?, interrogea Monsieur H. depuis la salle de bains.
- Voici votre nectar et votre glace Monsieur.
- Merci.

Monsieur H. sirota à petites lampées sa boisson aux reflets irisés de nuances sucrées tout en tirant de grandes bouffées sur son cigare.

- Ce cocktail de fruits se marrie à la perfection avec les cigares que m’envoie Fidel. Dommage qu’il ne soit pas là.
- Il se fait vieux Monsieur, et puis il était encore là il y a deux jours. Souvenez de cette partie de bilboquet avec M. B-L.
- Comment l’oublier ? Quel sportif ce B-L ! Il m’a allumé comme un chameau. Je meuglais et lui rugissait, j’en ai encore les reins tout ensuqués. Allume la télévision ça va commencer. J’espère que tu as voté pour moi.
- Oui Monsieur. Quelle chaîne ?
- Mets moi Al-Jazira. Que ce soit au moins en arabe. L’américain me fatigue. Je ne dis pas ça pour toi, tu as une conversation remarquable, mais je n’ai pas l’oreille musicale. Déjà à l’époque j’avais du mal à faire la différence entre le son d'une Kalachnikov et la mélodie d’un MP7.
- Cela m’étonne de vous. J’ai toujours cru que vous aviez l’ouie fine.
- J’ai des problèmes de dos. C’est pour cela.
- Je comprends mieux. Il me semble entendre le téléphone sonner Monsieur.
- Ne réponds pas. Pas maintenant.
- C’est la ligne rouge Monsieur si vous me permettez d’insister.
- Ah. Monsieur B. Passe le moi.

Maître Nicolas apporta donc le téléphone, un vieux modèle à cadran rotatif et recouvert de peau de crocodile.

- Monsieur H. ? C ‘est Monsieur B. Comment allez-vous ?
- Je vais remarquablement bien et vous-même ?
- Je me porte comme un charme. Etes-vous devant votre téléviseur ?
- Naturellement. Et vous ?
- Evidemment. Sur quelle chaîne êtes-vous très tendre ami ?
- Al-Jazira et vous-même ?
- CNN.
- Ça ne m’étonne pas petit polisson ! Avez-vous voté pour moi ?
- Évidemment vilain chenapan ! Je suppose que vous aussi ? Vous avez tapé une centaine de fois sur la touche une de vos trois téléphones portables ? Ne dites rien, je suis sûr que oui !
- Je vous reconnais bien là mon chéri, toujours entrain de vous esclaffer !
- C’est que vous avez toujours su me faire mourir de rire !
- Mais aujourd’hui vous faites mieux que moi, vous me faites mourir tout court !
- Vous êtes incroyable ! Quel humour ! Vous êtes un bonbon le saviez-vous ? Un bonbon qu’on ne se lasse pas de sucer Monsieur H. !
- Allons, vous me faites rougir.
- Ce n’est pas plus mal, je vous trouvais un peu pâlot hier soir.
- Que voulez-vous on ne rajeunit pas Monsieur B.
- À qui le dites-vous ! Je mords en ce moment à pleines dents dans un hamburger au bacon qui ma foi est une merveille.
- Vous m’y ferez goûter à l’occasion. Comment est-il ?
- Juteux.
- J’en bave déjà.
- Je vous croyais musulman.
- De nom seulement, de nom. Mangez-vous du poisson le vendredi ?
- Grand Dieu non ! Je déteste le poisson Monsieur H.
- Et moi j’adore le bacon !
- Avant que j’oublie, Monsieur B-L. qui est à côté de moi vous embrasse très fort. Là où vous aimez, sur votre petit furoncle. Il a envoyé une trentaine de SMS pour votre mise à mort.
- Dites lui que c’est un amour, je l’embrasse aussi. Vous savez Monsieur B. on aurait du regarder cela tous les trois ensemble.
- Vous savez bien que je ne peux pas vous emmener au bureau, les gens jaseraient.
- Bien sûr, je ne vous reproche rien. C’est que… vous me manquez. Rentrez tôt ce soir, vous me combleriez.
- Je vous le promets, après tout c’est un peu votre anniversaire aujourd’hui. Je vous rejoins au ranch dès que possible et si nous avons le temps nous ferons une balade à cheval. Je vous embrasse mon très cher Monsieur H. Bisous, bisous !
- Mille baisers à vous et à Monsieur B-L. et à ce soir !

Une larme coula sur la barbe de Monsieur H. tandis qu’il raccrochait. Il se vautra dans un fauteuil et vida son verre. La télévision lui renvoyait l’image d’un homme usé, vêtu d’un long manteau et d’une écharpe noire, encadré par une poignée d’hommes cagoulé et qui s’avançait la tête baissée sur l’échafaud.

- Il a une sale gueule ce type, pesta Monsieur H.
- Pourtant Monsieur B. a fait de son mieux pour qu’il vous soit en tout point identique, répliqua Maître Nicolas.
- Identique ? Mais regarde moi ces yeux en couilles de taureau ! Où qu’il est hein l’orgueil ? Et la fierté ? Il a rien dans le bide ce mec c’est moi qui te le dis. Je suis bien placé pour en parler après tout.
- C’est peut-être parce qu’il sait qu’il va mourir Monsieur.
- Et après hein ? On lui a pas promis des vierges par dizaines ? Pourquoi il serait pas heureux ? Moi à sa place je serais au septième ciel !
- Mais Monsieur, c’est lui qui est justement à votre place.
- C’est juste. La patrie le regarde et il a le regard fuyant. Je suis déçu Nicolas. Il manque de panache. Même sa barbe fait potache, ça rebique de partout. Non, tout cela n’est guère soigné. J’étais en droit d’espérer mieux.
- En tout cas, il semble berner tout le monde. Regardez ce gros plan sur la corde là. C’est du solide et le nœud m’a l’air bien fait. Non, non Monsieur H. c’est du travail soigné. Un doigt de Porto pour arroser cela ?
- Une phalange plutôt.
- Très bien Monsieur.
- Ils vont couper tu vas voir, ça va pas louper.
- Sur CNN sûrement, mais pas sur Al-Jazira.
- Tu nous prends pour des barbares mon bon Nicolas ? Ils vont pas diffuser les images, c’est moi qui te le dis. Hop ! Et voilà on voit plus rien putain ! Tu parles d’une mort. J’ai l’air d’un con maintenant.
- Santé quand même Monsieur, à votre décès.
- Tchin-tchin mon brave Nicolas. Une pensée me vient.
- Dites-moi tout.
- C’est vraiment con la mort non ?

Et le claquement de la corde se perdit dans le tintement du cristal.

1 Comment:

Anonymous said...

Et le claquement de la corde se perdit dans le tintement du cristal...

une autre façon de voir la chose, plus déjantée.
le sympatique triumvirat MMM. H ; B & B-L font bon ménage. il y aurait presque du réalisme dans tout cela!
Quant à cindy c'est une formidable glacière je te l'accorde.
Mais notre homme n'aurait pas du se fier à la tv, le satellite perso est toujours plus fiable, n'est-ce pas? (ahahah!)
Il paraît qu'un scientifique alcoolique un peu fou aurait mis au point un pétaradant brevage à base de champagne et de pian colada... j'en connais un qui aurait tué pour y mettre la bouche dessus!
ainsi soit-il...

s