Wednesday, June 14, 2006

Pop-Corn Littérature

L'Ame du Mal, Maxime Chattam

"[...] un homme possédé d'un esprit impur: il avait sa demeure dans les tombes et personne ne pouvait plus le lier, même avec une chaîne, car souvent on l'avait lié avec des entraves et avec des chaînes, mais il avait rompu les chaînes et brisé les entraves, et personne ne parvenait à le dompter. [...] Et on l'interrogea: "Quel est ton nom ?" Il dit: "Légion est mon nom car nous sommes beaucoup"", Évangile selon saint Marc

Disons le tout de suite, certains préférent déambuler sur la plage avec Guerre & Paix dans la poche arrière. Outre le problème de poids et de taille, et ce pour des raisons physiques évidentes, à savoir la masse du livre par rapport à la masse du maillot, surtout si l'on opte pour le slip de bain, le milieu estival ne se conjugue pas avec le transsibérien. Quitte à opter pour un Tolstoï autant se lancer sur Hadji Mourat. Néanmoins cette chronique partirait en cacahuète si l'on y voyait une attaque au vitriol à l'encontre de la littérature russe, voir même d'une de ses plus grandes figures. Empressons nous d'ajouter que 1500 pages n'ont jamais effrayé votre aimable narrateur. La balance des péchés pourrait donc presque être rééquilibré, en espérant que la plume intellectuelo-mondaine soit légérement plus lourde que le coeur de votre dévoué chroniqueur. Que Maât tranche.
Quoiqu'il en soit et malgré les qu'en dira t'on, L'Ame du Mal de Maxime Chattam est l'objet de cette colonne ô mes frêres. Le pitch en quelques mots: l'inspecteur Joshua Brolin enquête sur des meutres commis par un tueur en série qu'il a lui-même abattu un an auparavant. Néanmois le modus operanti est identique entres les deux affaires. Aidée de l'unique survivante, Brolin s'immerge entièrement dans la psychée d'un monstre et s'enfonce dans le cloaque de l'enquête. Premier roman publié de Maxime Chattam, à l'affiche en ce moment avec Les Arcanes du Chaos, L'Ame du Mal donne d'entrée de jeu le ton. Sueurs froides, scènes macabres et descente en enfer. Votre modeste serviteur est plutôt du genre à préférer un James Ellroy à une Mary Higgins Clark ou à un SAS, et depuis Les Racines du Mal de Maurice G. Dantec jamais littérature noire n'avait autant collée aux doigts. Renforcée par deux ans d'études en criminologie la verve narrative de Chattam est d'autant plus réaliste. Puant, suintant, exsudant, L'Ame du Mal a tous les éléments d'un bon polar. Certains diront qu'on a affaire à un scénario en papier-maché digne d'une mauvaise série B américaine. Passez votre chemin et retournez lire Jean-Paul Dubois. Si il est vrai que le style pèche parfois, l'ensemble tient la route. Bien que l'on ne retrouve pas le travail de construction syntaxique de James Ellroy, le livre de Chattam ne mérite pas de critiques acerbes. Preuve en est qu'il a obtenu le Prix Sang d'Encre. Mais vous connaissez votre brave conteur, on ne se méfie jamais assez des récompenses. Elle est ici justifiée. L'action se déroule à Portland, Oregon, ville chair à Maxime Chattam. Des bureaux de la police criminelle aux scènes de crimes, le lecteur s'accroche à son arrière-train tant les descriptions sont parfois renversantes d'horreur. De plus, il y a un réel travail de profiling, dans la construction de la psychée du tueur, où les éléments viennent s'encastrer les uns aux autres dans une mécanique policière parfaitement huilée. Chattam mélange les genres, et tant les personnages que la trame répondent à une certaine exigence de composition. On se laisse bercer par cette comptine vermillonne, le tout orchestrée par une plume de souffre trempée. Votre fidèle narrateur vous invite donc à préférer un Chattam cet été plutôt qu'un Tolstoï. N'y voyiez pas de critique, cela renverrait à un match de boxe entre Mike Tyson et Brahim Asloum. Néamoins si l'encrier devait être teinté de reflets acidulés le buvard n'aurait de vertu que d'éponger la bienséance intellectuelle française. A défaut d'une prose égocentrique tournée sur quelques divagations freudiennes dont l'apogée serait le rectum, troquez donc le suppo' contre le Guronzan et le temps d'une nuit blanche lisez L'Ame du Mal.

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