Thursday, February 22, 2007

Histoire d'un Poil Pubien

Notre poil de héros était né dans une forêt au climat tempéré, très aride l’été, très humide l’hiver. Ce lieu reclus avait été épargné ces dernières années par la hache dévastatrice d’un quelconque bûcheron. Notre poil poussait donc tranquillement, à côté de toute sa famille, tous plus longs et frisés que lui. Notamment son oncle, poil rétif et presque centenaire, du moins en chronologie pubienne. Le vieux poil avait tout vu et avait même survécu à la grande déforestation de ce fameux soir d’été, que le monde poilesque avait appelé « la grande coupe de saison ». Alors qu’il frisottait à peine son oncle lui contait des histoires le soir au sein du clan, des récits et des fables d’antan où les poils poussaient et poussaient jusqu’au ciel blanc au-dessus de leurs têtes. Il racontait qu’en une époque reculée les poils vivaient libres et qu’aujourd’hui il subissait ce qu’on surnommait l’effet des nuages de coton, qui les empêchaient de s’ébattre sous les étoiles. Notre poil en avait des slips plein les yeux. Mais un jour son tonton mourut, il s’en alla retrouver ses compères de jadis et à l’endroit où il s’était tenu toute sa vie durant germait déjà une nouvelle pousse toute blonde. Notre ami décida donc qu’à partir de ce jour il aurait un destin de poil libre. Et ce jour arriva plus vite qu’il ne l’aurait imaginé. Par une belle matinée de printemps les faucilles de guerre débarquèrent dans le ciel laiteux de la forêt et les uns après les autres les poils furent fauchés, sectionnés, lapidés. C’était la panique, on s’agitait dans tous les sens, remuant de droite et de gauche, branlant du bulbe et tremblant de la tige. On se trémoussait en espérant esquiver un coup de ciseau qui vous tranchez le corps en deux ou vous arrachez le follicule hors de terre. Notre poil fut touché au tout début de l’assaut au niveau du sébum, et d’une torsion parvint à ramper entre les cadavres encore tout chauds qui s’en allaient finir plusieurs dizaines de mètres plus bas, dans une espèce de cuve d’eau. Lui-même glissa et tenta vainement de se rattacher à d’autres poils encore debout et courbant la tête, mais il finit par planer un court instant et plongea en plein dans la mare poisseuse. Il flottait sur le dos, douloureusement meurtri au niveau du bassin, parmi ses frères et ses sœurs qui se lamentaient. Au-dessus de lui c’était des corps par centaines qui flottaient avant de ricocher contre ces drôles de rochers tout polis et tout blancs. Ca flic flaquait tout autour de lui et il but la tasse plusieurs fois. Enfin, le clairon des cisailles diminua et s’évapora pour de bon. Il était le seul survivant. Il soupira mais un bruit de cataracte rugissante capta son attention. L’eau se mit à trembler à mesure que plusieurs jets lui aspergèrent les flancs. Puis il fut aspiré vers le bas de la mare et tout devint opaque, brumeux, et noir. Lorsqu’il revint à lui il crut qu’il était au paradis des poils. Mais ça sentait bien trop mauvais pour un paradis. Il pensa alors qu’il se trouvait en enfer, mais ça ne sentait pas assez mauvais pour un enfer. En réalité il barbotait dans une flaque de glaise qui s’immisçait dans ses oreilles et cela ne lui plut guère. Il se redressa et sa blessure lui arracha un cri de douleur. Il se mit donc à boitiller en quête d’une lueur qu’il apercevait par intermittence, tout là-bas. Ça chuchotait autour de lui et ça remuait confusément mais il se fraya un chemin à l’aveuglette dans les ténèbres. Le poil était bien connu pour être rusé et déterminé. Il ne fit aucun écart à la règle. Pendant des jours, puis des semaines, et enfin des mois il erra au hasard de ces longues canalisations faites de graisse suintante, tâtonnant dans l’obscurité, les boyaux tordus par une faim qui lui dévorait les entrailles. Mille fois il s’écroula et mille fois il se redressa, mille fois il voulut abandonner et mille fois il continua à avancer. Il croisa des rats et des insectes dont les ailes clignotaient par intermittence, il vit des galeries entières s’effondrer silencieusement, il traversa des villes abandonnées faites de curieuses étoffes purulentes, et toutes difformes comme autant de cathédrales de sable et de sel. Au bout de ce qui lui sembla être une éternité il arriva au bout du tunnel et une lumière blafarde le fit tousser. Un tapis indigo se déroulait sous ses pieds, à l’infini, éructant en vagues écumeuses au hasard du vent. Il entrevit sur sa gauche une embarcation de liège qui flottait paresseusement et d’un bond s’y agrippa. La houle le vit vomir mais l’eau de mer cicatrisa sa plaie. D’un bout de latex il dressa une voile qu’il fit tenir à l’aide d’un cure-dent brisé et s’allongea, apaisé et libre. La voile se gonfla sous la caresse d’une bise délicate et la main sur le gouvernail il mit le cap sur le soleil couchant, au bout du bout du monde. Depuis ce jour ça gronde dans le monde pubien et un goût de révolte fait trembler la société épidermique. La légende veut qu’un poil ait réussi à trouver la liberté au prix de mille souffrances et après un long parcours jonché de moult embûches et obstacles. Et au-delà des dômes de lin ou de coton surplombant les forêts poilesques se trouve un lieu où les poils pourraient simplement continuer à pousser et pousser et pousser jusqu’aux étoiles en toute liberté.

1 Comment:

Anonymous said...

Un exercice sur le conte?
Une traitement original reposant sur des composants classiques

s