Friday, October 27, 2006

Lullaby



Il aura fallu le temps pour écrire ces lignes. Hommage à toi le grand poète. A toi que j'ai découvert par hasard un beau jour de septembre. A toi dont la rime ne m'a plus quitté. A tes oripeaux mon chantre. L'amertume ne s'efface pas au son des lambeaux de peau. Ma voix s'est brisée soudain et j'ai perdu ma lyre dans ce pays lointain dont ta geôle tapissait mes rideaux. Plus personne ne comprend mes mots mais je n'ai pas oublié de me maudire-deux fois-de nos maux. Et Lautréamont dont je n'ai lu que quelques lignes mais où je t'ai aperçu au détour d'un vers. Muet. Moi qui chantais ton refrain je n'ai plus eu que ma glotte dont le gloussement gargotait d'une bien creuse façon. J'aurais pu pleurer. Mais un homme ne pleure plus aujourd'hui. Je garde mes larmes pour mon dessert.

Je me suis arraché la langue et je l'ai mangé. Pour ne plus entendre. Mais même six pieds sous terre je n'ai pu échappé à ces cris qui trouaient la nuit. On t'a violé troubadour. On t'a exhibé en montrant tes plaies. Tu es passé sur le billard et ils t'ont arrachés membre après membre. Mais le coeur ne se trouve pas sous le thorax. Ils n'auront plus rien car tu avais déjà tout pris. Il ne reste plus que des cendres. Comme ce champ de cendres qui me hantait et qui revenait dans chacune de mes pages. J'ai erré sur cette longue route qu'on appelle solitude ne rencontrant que quelques rares coyotes dont j'aurais pu festoyer. J'ai eu faim aussi. A m'en tordre les boyaux. J'ai vu la pluie tombée sur ma fenêtre et je l'ai senti ruisseler contre mes dents. J'ai bu de la boue et mâché de la chair.

Tu es martyr en ta maison et moi écrin en mon chagrin. J'ai levé les yeux vers nos étoiles et j'ai versé une étiole dans nos cheveux. Ils ne comprennent pas. Et ne comprendront jamais. Je t'ai touché du bout de ma plume toute pleine de cal. J'ai essayé de fendre le verbe. De l'éventrer et de le déchirer. J'y ai perdu une canine. J'ai voulu tous les prendre ces immondes et les pendre aux rubiconds de mes ongles. Mais au loin les tours s'effondrent. Et moi j'ai égaré trente kilos de suif sur une ondée anglaise. Tu as conjugué l'amour dans le sang de l'alambic et je l'ai trouvé ma muse, ma fée, mon poème, elle dont le nom est une prière. J'ai pris un de tes couplets pour une bohémienne je l'ai suivi et j'ai fini dans l'absence. J'ai respiré l'encens de ses désirs et je n'y ai vu qu'une braise enceinte de ton sourire. Mes guêtres n'ont jamais foulés la lune et mes guiboles ont soulevés des dunes. Cherchais-je ta voix ? Je n'ai vu qu'un fard fané et un voile velu. J'ai tendu les bras en croix au-dessus de l'abîme il y a dix ans de cela quand je croyais que la grande mort aurait plus de force que la petite. Et le noir m'a fais frémir. Une main gazée d'azote m'a saisie à la gorge et ses doigts d'azur m'ont étranglés. Ce jour là tu as pleuré. Le poète seul pleure encore. Tu m'as enfanté d'un bouquet d'ailleurs dont les pétales éclosent le long de ma rate. A toi, à elle. A nos spasmes.

 

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