Friday, October 27, 2006

Le Barbuc de Buck - Rectoscopie Culturelle




Il est de bon ton de rappeler à mère patrie qu'elle n'a plus enfantée de la bienséance intellectuelle mondiale depuis plusieurs décennies. Restons vague sur la datation. Mais la stérilité n'a cure que de la fertilité. C'est ainsi que sous nos yeux ébahis de téléspectateurs-zappeurs-voyeurs mère patrie se donne en spectacle et accouche tous les neuf mois ou à peu près de petits gnomes monstrueux dont la seule prétention en plus d'une laideur évidente est de reproduire voir de surpasser les nobles figures du passé, au temps où la ménopause n'avait point encore frappée. Ah! La belle époque!

C'est pourquoi il convient de sortir un instant de cette étiquette à la française. Tu sais de quoi je cause l'ami. Celle qui placarde « chef d'oeuvre » sur le dernier Haneke. Restons de marbre car celui là est sorti par césarienne. Ceci explique cela. Plus ça fait mal meilleur c'est. Et si par hasard toi le citoyen avide de culture tu t'es endormi face à cette prestation cinématographique prends garde! Tu frisottes avec le mauvais goût chacal. Quoi? Qu'entends-je ? Tu as préféré Camping ? Es-tu pas bien fou compadre ? Comment as tu pu rester de marbre devant les dix magnifiques premières minutes de Caché, devant cette angoisse frémissante, ce silence obsédant, ce cadrage à la tord-boyaux ? A cette séquence d'ouverture d'une fascinante morbidité tu réponds donc chien que ce bout de peloche t'es tombé sur les paupières au point de les faire s'écrouler comme le store d'un magasin passé 19 heures? Ah l'ingrat! Le bâtard!

Tu craches donc dans l'urinoir. Tu craches sur le divertissement, sur les grosses productions made in US comme on dit, toi mon bon ami français. As pas pur! Comprendra qui pourra. Peut-être même toi l'intello qui se gave de petits fours culturels et trempe ses lèvres dans le calice perfide d'une âme élevée, peut-être même toi tu comprendras. Qu'y a t'il donc au juste à comprendre me diras-tu ? La voilà la botte qui vient à point nommer te tanner l'arrière-train. Il y a à comprendre que je ris sourdement quand je tends fort innocemment une oreille et que par mégarde ton discours vient rebondir contre mon tympan. Te voilà donc le preux chevalier! Comme tu charges bien tout vêtu de taffetas et de rubans, comme tu as fier allure sur ton canasson! Car tu chevauches le goût mon petit ami. Et tu tranches au gré du jour et de la nuit dans le lard de l'art, un steak périmé d'un côté, bon pour les ordures, une bavette Label Rouge made in France, elle fera honneur au garde-manger. Appellation d'origine contrôlée messire. Tu l'as dis Rocky.

Toi le minimaliste qui s'extasie trois heures durant devant le Bleu de Klein que puis-je te dire? Mère patrie se sent fière de son rejeton qui contemple l'heureuse famille. C'est du Sept à la Maison version new-age. Mais ne vas pas faire un enfant dans le dos de dame Marianne, ne fraternise pas avec l'ennemi, ne te défile pas devant Superman avec un seau de pop-corn à la main. Molière le disait déjà mais tu en as fais fi, le divertissement est affaire populaire. Qu'est ce qu'une bonne pièce ? C'est un amusement mon fils. Tu te gausses devant un Star Wars, ah l'immonde, l'abject! Mais après la dernière pelée sur ton petit corps tout blanc que restera t'il de ton goût mon prince ? Une poignée de sel et une pincée de poivre. Haneke disparaîtra avant Lucas et tu auras eu la vague impression d'avoir livré bataille pendant une vie entière, tu auras le goût du sang sur la lèvre après avoir tant mordu dans le burger cinématographique sauce blockbuster américain. Car c'est que tu l'aimes ton petit plat à la française avec ses mignonnes patates tout droit sorties de notre bon vieux sol, oui tu aimes quand c'est signé par l'auteur, ça te rappelle le bon vieux temps hein papy ? Car tu le défends ton esprit français, celui qui se balade banane aux reins sur les plages en été et qui ne manque jamais de conspuer toute forme d'art grand spectacle en soulignant l'originalité de telle ou telle exposition. Car ça bat le pavé en tous sens et ça cocotte. Et ça jacasse et ça jacasse. Pour parler tu parles mon mignon. Mais tu me fais marrer. Je me fend la poire en deux à m'en décrocher la mâchoire mon doux. Et je t'écoute becter à pleine bouche dans le pot au feu, et je t'entend siffler tes grandes lampées de soupe du bord de ta grosse cuillère de bois. Alors racle, racle donc le fond de la gamelle. Y'a plus grand chose à croûter mais c'est la mère qui sera contente. Et rien ne vaut la bonne cuisine de sa maternelle pas vrai ?

 

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