Sunday, November 01, 2009

Donoma ("le-soleil-est-là", tribu des Omahas)


Lui, il est peut-être mort. Sans doute plus trop vivant. Pour l’heure, il n’est qu’un corps abîmé sous plusieurs couches de vêtements sur un morceau de bitume. À cent mètres au-dessus de sa tête, un vautour plane. Lui-même ne sait pas ce qu’il convient de faire. Sous son bec, la chair vivante a pourtant bien l’air morte. Pour l’heure, il attend encore.

À force de grogner, il a perdu deux dents. Il les aperçoit à peine derrière le voile rouge qui barre sa cornée. Il se sent un goût de mâchefer dans la bouche, quelque chose de froid, de métallique, d’implacable. Peut-être va-t-il cracher le plomb qu’il a dans la gorge. Mais, il n’y croit pas trop. Il est logé à trop bonne enseigne dans sa trachée.

Comment est-il arrivé là ? L’histoire ne le dit pas. Va-t-il mourir ? L’histoire ne le dit pas non plus. Il n’est ni vraiment mort ni tout à fait vivant. Il est simplement un peu de chair et un peu d’espoir sur une route que plus personne n’emprunte depuis dix siècles. Peut-être qu’il a le soleil pour unique compagnon, ça lui dirait bien à lui, le soleil. Peut-être est-il tout seul, à part le vautour qui tourne là-haut mais qui va bientôt mourir. À vrai dire, il ne le sait pas et l’histoire non plus.


Sous ses doigts, l’asphalte. Sous l’asphalte, la terre. Sous la terre, les écorces. Sous les écorces, sa mère peut-être. Il ne gratte pas le bitume. Il s’y écorcherait les ongles. Alors, il préfère encore… quoi ? Espérer sans doute, mais il est à moitié mort. Prier, mais il ne croît en rien si ce n’est en lui-même et ce soir un dieu va peut être mourir. Il ne sait pas comment s’apprêter pour l’enterrement d’un Dieu. Il n’a jamais vu personne mourir. Alors, un Dieu. Pourtant…

Pourtant, se dit-il sans doute. Pourtant quoi ? Pourtant, rien. Ses pensées ne lui appartiennent plus. Ce sont celles d’une autre.

A-t-il peur ? Sans doute. Qui n’aurait pas peur ? Elle. Peut-être.

Maintenant, le vautour est mort. Lui-même ne va pas très fort. Tout à l’heure, quand l’histoire cherchait encore un sens à son récit, il a craché du sang. Mais l’histoire ne l’a pas dit. Elle s’interrogeait encore sur son passé et sur son avenir. Elle devrait savoir que quand vient la mort, seul n’a de sens que le présent.

Ça va finir maintenant. Pas aussi bien que ça a commencé. Mais ça va finir quand même. Déjà, son corps s’en est allé. Si le vautour n’était pas mort, peut être aurait-il commencé à arracher des morceaux de chair. Mais, le vautour est mort et il n’a que la peau sur les os. Que reste-t-il alors ? Une choses abîmée sous plusieurs couches de vêtements. Deux dents sur le bitume. Une flaque de sang. Et la nuit. Il ne faut pas être trop présomptueux. Le soleil n’a aucun compagnon. Il est un astre solitaire.

3 Comments:

Anonymous said...

Mazan, c'est toi? how s the lecture?

Anonymous said...

Un petit texte écrit il y a quelques années, retrouvé au fond des cartons. "Eh, Mazan, t'es mystique ou quoi ?"
-F

Anonymous said...

ouais on dirait bien! les paralleles sont saisissant

s