Friday, December 14, 2007

Welcome to - Alternate Take

Je roule à présent plein gaz et dans mon sillage il y une langue de suif qui s’allonge à l’infini. Le soleil a disparu depuis longtemps et c’est la lune et ses courtisanes qui éclairent ma route. Je préfère la lune au soleil, sa pudeur tranquille et honnête, qu’il faut deviner et non pas subir, qui se joue de l’ombre et de la nuit avec tout le charme d’une reine. Je suis serein maintenant que ma muse peut regarder son chevalier lunatique cravacher le macadam. Je ne suis plus trop loin, je le sais à la position des étoiles. De même que je sais qu’arrivera un moment où le réservoir d’essence sera à sec et qu’il me faudra continuer à pied. Il existe un autre monde caché derrière la nuit. C’est là que je vais.

Lorsque le moteur pousse son dernier hoquet, j’ai déjà claqué la portière, craqué une allumette, ouvert le réservoir, jeté ladite allumette, reculé de trois pas, mis la main en visière sur mon front et contemplé la gerbe de feu qu’est devenu la voiture. Je m’accroupis, les bras le long du corps, les doigts jouant avec la boue, fasciné par ces serpentins enflammés que je crois faire danser à l’aide de ma cigarette. C’est beau une voiture qui brûle la nuit. Il m’a fallu 384 403 kilomètres pour m’en rendre compte. Mon nom est Aristarque de Samos. J’ai vécu des milliers de vies pour une seule existence. Et ce soir je meurs.

Je suis confiant, le cœur enhardi par l’éclat de la lune qui me murmure d’étranges paroles. Je l’ai aimée jadis, lorsque l’on pouvait encore prétendre s’abandonner aux puissances de ce sentiment. Mais le soleil me l’a dérobé, un  soir où j’avais le dos tourné. Il est difficile de trouver l’amour, aisé de le perdre. Je peux encore dire que j’ai aimé. Je l’ai aimé elle, je lui ai fait don de mon âme qu’elle a mis au clou, je lui ai livré mon cœur emballé dans l’étendard de la passion, je me suis ouvert les veines pour qu’elle s’abreuve de mon sang et en meurt. Mais je suis seul ici-bas, tout comme elle, là-haut. Alors je la contemple ma jolie lune aux formes cristallines, et je lui dis mon amour, et ce sont de belles paroles, de celles qu’on ne prononce qu’une seule fois dans sa mort.

Dans mos dos la carcasse de la voiture crépite encore tandis que je m’enfonce parmi le colza. J’ai du sang sur les mains, les stigmates de ma vie, et je me déshabille et me rince dans un filet d’eau. Mes ongles grattent la crasse de mes péchés et le souvenir de la vie fond dans l’eau comme une bulle de savon. Cela dure une éternité, des heures de friction à récurer ma peau, à la tanner et à l’ébouillanter. Lorsqu’il ne me reste plus que des os, et que même mes nerfs ont fini par céder, je me relève et je me tourne vers elle. Elle s’éloigne de plus en plus à mesure que se rapproche le sol. Je redeviens poussière. C’est beau la poussière, ma jolie lune. On dirait de la chaux atomique. À jamais, je t’aime. 

1 Comment:

Anonymous said...

lover

s