Wednesday, November 28, 2007

Eucharistie

Un soir je suis assis sur le perron de Notre-Dame de la Fraternité, en plein cœur d’une ville dont le nom m’échappe en zozotant. Je crois que c’est un soir important dans ma vie, d’une part parce que j’ai plus d’alcool dans le sang que dans les veines, et d’autre part parce que j’ai eu une révélation qui n’a rien à voir avec mon taux d’alcoolémie. Elle m’est apparue alors que j’achetais un litron de rouge, avec la vague et morne idée de le descendre bien gentiment sur un banc, et donc j’étais là face à la caisse qui me braquait, le billet tremblant dans la pogne, à moins que ce ne soit ma pogne qui piquait du nez, mais peu importe, ce qui compte c’est que j’étais à la caisse avec un litre de vin rouge. Le caissier connaissait bien les types dans mon genre, la mèche en friche et le cul en jachère à force de ne prendre qu’une douche par semaine et c’est pour ça que je ne cherchais pas son regard, parce que je ne le trouverais jamais. L’épicier était un petit gros dont les poils jaillissaient hors la chemise comme une meute sauvage, dont les babines auraient pu me détrousser à la moindre occasion, alors je me tenais à carreau, l’air bien tranquille de celui qui ne veut faire aucune vague et préfère se noyer, la sandale tournée vers la sortie et prête à battre en retraite à la moindre anicroche. Mon billet fut avalé en une bouchée par la caisse, ciao l’ami, à la prochaine, et le caissier me rendit trois piécettes de rien du tout. Je savais déjà qu’à vouloir les croquer je m’y casserais les dents. Mais j’avais le litron sous le bras, je le sentais glousser sous les carreaux de ma chemise tandis que je sortais de cet antre du négoce tenu par ce gnome lilliputien à l’haleine avariée. Dehors, il faisait beau, le soleil commençait à border son lit, repliant sa couverture sombre sur son minois d’écrevisse, et moi je déambulais le long d’un trottoir, la cigarette plantée au bec comme la bannière étoilée sur la lune. Je bus une gorgée de vin, plus pour me gargariser que pour me faire culbuter par ce bon vieux Dionysos, et je la recrachais sur le bitume et je me dis à ce moment-là, c’est beau un glaviot la nuit. Je pensais à tout un tas de choses, comme le moral de mon scrotum pour n’en citer qu’une, et qui, très franchement, n’allait pas fort. Je me disais ça parce que j’avais le raphé qui me démangeait et je pensais m’arrêter pour me soulager en le grattant dans le sens du poil, mais en vérité, je ne me sentais pas d’attaque pour un riff testiculaire façon Jimmy Hendrix. J’avais fini ma clope et je venais de m’asseoir sur le perron de Notre-Dame de la Fraternité lorsque je bus ma deuxième lampée. Je me la jouais œnologue et gardais le vin dans ma bouche tout en gonflant bien fort mes joues comme un hamster apoplectique. Je m’imaginais regarder sous la robe du vin et rougir de plaisir et je l’aurais bien conquise sa beauté à la façon d’un Cortez, mais de manière pacifique, sans croix ni bannières, avec juste mon âme que j’aurais déposée devant son étoffe menue, comme un prêcheur dont l’unique discours se serait résumé à un soupir. Mais elle était du genre farouche la garce et je devais me contenter de mater ses dessous parce que j’en avais pas assez dans la poche pour m’en offrir davantage. Alors, j’avalais cette gorgée sans rancune et m’allongeais sur les marches de pierre couvertes de fientes de pigeons. C’est là que je suis en ce moment, juste devant la porte en cèdre de Notre-Dame de la Fraternité avec son armada de cupidons prépubères, dans ma chemise écossaise et mon pantalon en toile de jute, le cheveu long et sale, le pied crasseux et les ongles tournés vers la Mecque, à boire le sang du Christ en bon pécheur sans domicile fixe. Et si le curé sortait de sa crypte je lui dirais, confessez-moi padre parce que pour moi les mots c’est comme des chiens faut que je les lâche et il m’aurait demandé, sur place ou à emporter mon fils, et je me serais enfui droit en enfer en beuglant et j’aurais demandé à Satan de me pardonner. Mais évidemment, le padre il est jamais venu et mon petit démon de poche me murmurait qu’il avait de très bonnes raisons de ne pas pointer le bout de sa soutane. Je tétais donc le pis du cubitainer comme un bébé le sein de sa maternelle, l’air de rien, mais n’en pensant pas moins. Je me demande si je bandais déjà à l’époque où ma seule ration consistait en un téton béni et auréolé, probable que oui, vu ce que je suis devenu. C’est là que la révélation prend tout son sens, alors que ma tête plonge vers une merde de pigeon et que je cherche un moyen de la ralentir. Je me dis, mon petit vieux faut ouvrir le parachute, parce que sinon c’est le crash en plein caca. Je ruminais tout ça dans mon crâne au moment où celui-ci heurta la pierre et la crotte posée dessus comme une mouche sur le visage de la Pompadour. Ma mâchoire se disloqua, c’est-à-dire que le haut partit à gauche tandis que le bas partait à droite, et il y eut un bruit atroce à l’intérieur de moi, le genre de bruit qui signifie que dorénavant faudra sourire les lèvres pincées. Tout ce que je vois c’est une dent à ma bouche qui ricoche contre les marches et je me dis que c’est quand même vachement beau ce qu’elle est entrain de réaliser ma quenotte et j’en suis fier. Elle rebondit sur la pierre souillée et décrit des arabesques dans le soleil couchant et c’est foutrement joli et j’en ai le souffle tellement coupé que je manque de m’étouffer. J’ai assez de lucidité pour entendre rigoler un type qui me regarde depuis la rue en contrebas et je me dis qu’au moins j’en aurais diverti un ce soir. Puis il y a comme un trou noir qui ressemble beaucoup au trou normand et qui m’envoie sur le tapis quelques secondes jusqu’à ce que je reprenne ma respiration et la première chose que je goule c’est du monoxyde de carbone et je me mets à tousser tellement fort que je deviens aussi rouge que ma piquette. Pour être tout à fait honnête, je dois avouer que ce qui m’arrive est assez moche et peu prestigieux, tandis que je crache tout ce qui m’est possible de cracher et je dois ressembler à rien allongé là devant cette église entrain de me vider les tripes et de soubresauter comme une gazelle qui se fait lever par un rhinocéros. Je crois que je pourrais vomir, mais j’ai dépensé mon dernier billet dans le litron et il est hors de question que je jette l’argent par les fenêtres alors je dis à ma glotte, tiens-toi tranquille ma pute, ça va passer. Et ça passe, bien sûr que ça passe, et je me permets même une faute de langue, je me dis malgré que j’ai la gueule en vrac je suis toujours debout, même si en fait je suis raide par terre. Ça fait du bien de mal parler, ça dit tout ce que le beau langage il peut pas dire. La voilà ma révélation à moi, la mienne que je conserve tout contre mon cœur et qu’on me carottera jamais, celle qui dit mes petits rien qui mis bout à bout forment ma vie. Alors bien que je sois ivre mort, je m’y cramponne parce que tout ça, la piquette et la branlette, ça a un sens et que je le comprends Alpha-Tango, reçu cinq sur cinq. C’est ma dernière pensée parce qu’il fait nuit maintenant et de jour comme de nuit les gens comme moi ils sont gris. Et je cherche plus votre regard depuis longtemps, parce que je sais que le trouverais jamais.

4 Comments:

Anonymous said...

Je ne sais plus quoi penser. Ca devient extremement fatigant (qui peut d'ailleurs s'écrire 'fatiguant' au participe présent, mais comment savoir quand c'est le cas?).

Vous prenez toujours le pied avec ces bandes d'horreur? - ce qui n'a rien à voir avec ce texte en particulier, de près ou de loin. Doit-on changer quelque chose?

Anonymous said...

Je comprend rien amigo. Peux-tu expliciter ?

Anonymous said...

Non je comprends pas non plus. Effrayant qu'on en est réduit à se parler de la sorte.

Anonymous said...

depuis Shake n' spear ou a peu près, même les commentaires ont pris de l'air.. héhé.

s