Saturday, October 13, 2007

Le train



Il y avait ce train. Ce train jaune et bleu et blanc qui filait au travers des landes blanches et bleues et jaunes. Les rails couraient le long de la campagne humide et boueuse et mouillée et collante. Dans ce train il y avait des gens. Des petites gens et des grandes personnes. Certains dormaient d’autres lisaient et d’autres encore se regardaient dans le reflet de la glace. Derrière la vitre il y avait la terre. Une terre lourde et fumante. Une terre de fumier et de boue. Je la regardais.

Et à mesure que le train accélérait et sifflait dans la vallée, que son moteur pistonnait et crachait de la suie et de l’huile, que le cheminot tentait de garder les yeux ouverts et la bouche fermée, que la tête de la vieille dame à côté de moi se posait sur mon épaule, tandis que son sac à main en cuir noir s’effondrait sur la sol moquetté et que sa permanente ternissait à vue d’œil, je gardais les yeux fixés sur l’horizon. C’était un beau panorama avec en fond le soleil rouge et les nuages orangés et sous mes yeux l’herbe brune ou verte qui se balançait dans le vent et même un ou deux oiseaux qui survolaient un étang ou une mare où quelques canards barbotaient les plumes en éventail. C’était très joli et très triste aussi. Parce qu’au-delà des champs se trouvait la ville, et derrière la ville il y avait un autre champ. Mais entre les deux, il y avait la ville.

Lorsque la vieille dame ouvrit les yeux elle ne vit que des murs sales. J’avais les yeux fermés mais elle ne le vit pas. Elle ne vit que la ville et la ville et la ville. Elle vit le béton lourd et fumant. La brique rouge et malade. La chaux blanche et pâle. Puis, alors qu’elle écarquillait grand les yeux et qu’une larme coulait contre sa joue ridée et creusée, un sourire perla au coin de ses lèvres. Peut-être savait-elle qu’au-delà de la ville il y avait un champ. Une terre boueuse et fumante, brune et rouge et blanche à la fois. Une terre de fumier et de boue.

1 Comment:

Anonymous said...

thank u.

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