Tuesday, October 23, 2007

L'éternité au long cours


La main avait beau quémander au panache une quelconque aumône, qu’elle fut de nickel ou de cuivre, ce dernier se refusait à lui donner le moindre copeck. Le panache n’eut pas un seul regard pour ce mendiant aux phalanges ridées. Il s’en retira de là où il venait, de cet endroit que la main apercevait du bout de ses chairs, un endroit étrange fait de rêves encore plus étranges.

Alors, elle se recroquevillerait sur elle-même, les doigts caressant sa paume, les ongles grattant sa peau. Puis, l’index se redresserait, comme un fantassin déguenillé sur un champ de bataille quand retentit le clairon de la retraite. Le pouce, cet artilleur constamment embusqué et terreux, ferait de même. Ils se contempleraient l’un l’autre un instant qui leur semblera durer une éternité. Tous deux étaient frères de misère, cousins d’infortune, compagnons d’armes. À eux deux ils pouvaient accomplir certains miracles, malgré le dédain du panache, qui avait déserté à la première semonce tirée. Ils se courberaient et esquisseraient un salut ironique, ployant l’échine sous le coup de la fatigue. Enfin, ils s’empareraient d’un canon à l’encre desséché et le feraient pivoter au-dessus de la plaine enneigée. Le pouce placerait un boulet de six livres dans la gueule béante de l’engin et l’index gratterait une allumette. Tandis que la mèche s’embraserait, ils auraient un dernier regard pour cette étendue blanche qui courrait sous leurs pieds.

Sous peu, le canon allait rugir et suivre les directives de l’état-major, déflorant et dévastant la plaine, la souillant d’éclats noirs qui la tâcheraient autant qu’ils la meurtrirait. Et alors de nouveau retentirait cette supplique muette, qui bégaierait au panache de lui accorder un liard ou même un sourire. Mais, une nouvelle fois, le panache ne répondrait que par le silence et le mépris. Les seules pièces qui tintaient dans le creux de sa bourse étaient celles frappées du sceau du courage et de l’honneur. Or, le combat de la main n’était que celui de la lâcheté.

Bien au-dessus du champ de bataille, de ce lieu où ne volent ni avions ni espoirs, la tête contemplerait le chaos d’une guerre qui la dépassait. Pourtant, il lui fallait bien ordonner à ses troupes de noter, de griffonner, de piller et de violer. Car, si le panache restait sourd à ses gémissements, peut-être que l’avenir se montrerait moins avare en louanges.

Car telle était la rançon d’un cours qui pouvait se résumer à une guerre. Lorsqu’on ne pouvait obtenir du panache, on espérait de l’avenir. Alors, la tête, la main et les doigts se remettraient à l’œuvre, qui n’avait rien d’une œuvre, et noteraient encore et encore et encore et encore….

2 Comments:

Anonymous said...

content de voir qu on s active par ici. Je pensai qu'un des derniers themes en date etait 'vestige', mais on est sur mauriac?

tout est apprecie dernierement, merci (meme si je ne lis pas les textes trop longs - les textes quoi)

ca viendra.

Le Collectif said...

C'était en effet le thème de la semaine dernière, bien vu. Je n'ai pas d'idée pour celle-çi, qui est déjà bien (trop) avancée.

s